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La bulle des produits dérivés correspond à 190 000 USD par habitant de la planète

L'équation du quatrillion de dollars invisible -- Endettement asymétrique et risque systémique

Selon plusieurs sources éminentes, y compris la banque des règlements internationaux (BRI) à Bâle en Suisse (la banque des banques centrales), le montant des produits dérivés en circulation à travers le monde a, depuis décembre 2007, dépassé la barre des 1,144 quatrillions de dollars américains, soit 1144 milliards de dollars. Ces 1144 milliards de dollars sont principalement répartis comme suit :

1. les produits dérivés de crédit se portaient à 548 mille millions de dollars ;

2. La valeur notionnelle ou nominale des produits dérivés hors-cote étaient de 596 mille milliards de USD et comprenaient :

a. Les produits dérivés de taux d'intérêt à environ 393 mille millions ou plus de USD ;

b. Des Credit Default Swaps à environ 58 mille milliards ou plus de USD ;

c. Les produits dérivés des opérations de change à environ 56 mille milliards ou plus de USD ;

d. Les produits dérivés de marchandises à environ 9000 milliards de USD ;

e. Les produits dérivés liés au capital actions à environ 8500 milliards de USD ; et

f. Les produits dérivés non-imputés à environ 71 mille milliards de USD ou plus.

Un quatrillion ? Voici un nombre que seuls les ingénieurs en supercalculateurs et les astronomes avaient l'habitude d'utiliser, certainement pas les économistes ou les banquiers ! Par exemple, l'étoile polaire n'est "qu'à" deux quatrillions de miles de la terre, soit quelques millions de milliards de kilomètres. "Roadrunner", le nouveau supercalculateur construit par IBM pour le laboratoire national du département américain de l'énergie à Los Alamos a atteint un pic de performance de 1026 petaflop par seconde, devenant ainsi le premier supercalculateur à atteindre ce seuil. Un quatrillion d'opérations par seconde (Flops) correspond à 1 petaflop par seconde, soit 1000 milliards d'opérations par seconde. On estime que la totalité des données de tous les sites internet trouvées et stockées sur les ordinateurs à travers le monde s'élève à un exabit de mémoire, soit 1000 quatrillions bits de données.

Si les produits dérivés en circulation sont des montants notionnels jusqu'à ce qu'ils soient cristallisés, le risque réel est mesuré par l'équivalent de crédit net. Ce chiffre est normalement moins élevé, à moins que plusieurs variables modifient simultanément les paramètres. Cela peut être dû à des catastrophes imprévisibles, les "Cygnes noirs", comme des faillites et des nationalisations en cascade, pouvant faire gonfler l'exposition nette et ou alors lorsque des bouleversements géopolitiques ou géophysiques ont lieu simultanément. De plus, la valeur notionnelle ne devient valeur réelle que lorsque l'une des contreparties produits dérivés hors-cote fait faillite. Cela signifie qu'une maison importante de produits dérivés hors-cote ne peut pas faire faillite sans tomber dans les bras d'une autre. Les fonds requis, dans une mesure raisonnable, pour sauver les banques internationales d'investissement, les banques de dépôt et les entités financières en détresse, devraient être accordés au cas par cas. C'est la nature asymétrique des produits dérivés et c'est pour cela que le système économique et les marchés financiers mondiaux sont les plus exposés au risque systémique si rien n'est fait.

Etudions l'équation invisible des 1, 144 quatrillions avec des variables "Cygnes noirs", c'est-à-dire en termes de produits dérivés en circulation, du produit national brut mondial (PNB), de l'immobilier, des marchés des actions et des obligations du monde entier avec des inconnues inconnues, des "Cygnes noirs". Quelle serait la place relative des 1,144 quatrillions de USD de produits dérivés en circulation ; quelle serait leur échelle :

1. Le PNB des Etats-Unis est d'environ 14 mille milliards de USD.

2. La totalité de la masse monétaire des Etats-Unis représente environ 15 mille milliards de USD.

3. Le PNB du monde entier est de 50 mille milliards de USD. 1144 mille milliards de USD correspond à 22 fois le PNB du monde entier.

4. La valeur de l’immobilier du monde entier est estimée à environ 75 mille milliards de USD. 1144 mille milliards de USD correspond à 15,5 fois la valeur immobilière du monde entier.

5. Les marchés d'actions et d'obligations sont estimés à environ 100 mille milliards de USD.

6. Les grandes banques possèdent à elles seules environ 140 mille milliards de USD en produits dérivés.

7. Bear Steams possédait 13 mille milliards de USD ou plus en produits dérivés : elle a fait faillite en mars dernier. Freddie Mac, Fannie Mae, Lehman Brothers et AIG se sont tous effondrées en septembre en raison de la complexité des risques sur les titres et les produits dérivés.

8. La population de notre planète est d'environ 6 milliards de personnes. Le marché des produits dérivés représente donc à lui seul environ 190.000 USD par habitant de la planète.

L'impact des produits dérivés

1. Les produits dérivés sont des titres dont la valeur dépend de la valeur sous-jacente d'autres titres de base et de risques associés. Le marché des produits dérivés a explosé au cours de ces deux dernières années. Plusieurs classes de produits dérivés sont même impossibles à définir correctement car ce sont des instruments extrêmement complexes dont la forme, la taille et le contenu varient énormément et qui présentent des caractéristiques différentes sous différentes conditions de marché.

2. Les produits dérivés ne sont pas réglementés, ne sont pas échangés sur les bourses publiques, ne disposent pas de normes universelles, sont traités par des accords privés, sont opaques, n'ont pas de marché ouvert, ne sont pas garantis, ne disposent pas d'établissement de compensation, et sont tout simplement plutôt irréels.

3. Les produits dérivés comprennent des instruments bien connus tels que les contrats et options à terme qui sont échangés activement sur de nombreuses bourses, ainsi que de nombreux instruments hors-cote tels que les swaps de taux d'intérêts, les contrats à terme sur l'achat de devises et sur les taux d'intérêts, et autres instruments de marchandises et d'actions.

4. Des grandes institutions financières, gouvernements, grandes sociétés, fonds communs de placement et fonds de pension aux fonds spéculatifs en passant par les petits et gros investisseurs, tout le monde utilise les produits dérivés. Ils n'avaient cependant jamais, par le passé, atteint la dimension prédominante et exorbitante qu'ils ont actuellement.

5. Les produits dérivés se défont à vitesse grand V, avec le début du "Great Unwind" (la "grande débandade") des marchés mondiaux de crédit qui a débuté en juillet 2007, et s'est précisé avec l'effondrement de Freddie Mac et Fannie Mae en septembre dernier.

6. Si les produits dérivés se défaisaient, ce serait toute l'économie mondiale qui serait en danger, compte tenu de l'échelle relativement plus petite de l'économie mondiale.

7. A côté de l'effondrement du marché des produits dérivés, celui des marchés immobiliers et boursiers pourrait paraître négligeable.

Trois exemples historiques

1. Nick Leeson, le trader qui avait fait un énorme pari de produits dérivés sur le Nikkei, l'indice japonais, avait provoqué la ruine de la banque Barings en 1995.

2. L'effondrement de Long Term Capital Management, fond spéculatif qui comptait parmi ses directeurs un ancien dealer en produits dérivés et obligations de Salomon Brothers et deux prix Nobel en économique, fut provoqué par d'importants paris sur les devises et les obligations en 1998.

3. Dernier exemple : un grand nombre des problèmes d'Enron en 2000 provenait de produits dérivés risqués et de l'utilisation de produits dérivés pour masquer des problèmes sur le bilan.

Le piège

L'unique piège conceptuel à la base du développement débridé du marché des produits dérivés mondial est le postulat de couverture (hedging) et compensation (netting), sur lequel reposent chaque modèle et la totalité de l'hyper structure de l'environnement réglementaire. Pour que les couvertures et les compensations soient parfaites, il faut que les marchés fonctionnent. Si un ou plusieurs marchés ne fonctionnent plus, le château de cartes peut s'effondrer très rapidement. Espérer, comme le fait Henry Paulson, secrétaire du trésor américain, qu'une ruse comptable comme le transfert de dettes, à n'importe quel prix, d'un agent privé à un agent public pourra remettre les marchés en état de marche, suppose un sérieux manque de logique. Les marchés ne fonctionnent que lorsque :

1. il existe un niveau de prix auquel l'offre rencontre la demande ; et, encore plus important, lorsque

2. les deux parties se font mutuellement confiance.

Cela ne mène à rien sur le long terme d'avoir le premier critère sans le deuxième critère qui repose essentiellement sur la confiance, même si, à court terme, une euphorie et un soulagement temporaires peuvent s'emparer des marchés.

Conclusion

Dans le contexte du plan de sauvetage de 700 milliards de USD, sur lequel on travaille encore à Washington, il serait utile d'étudier les points suivants. Les décideurs ont raison de vouloir soulager les points de pression immédiats sur le système financier mondial, tels que la crise de l'emprunt immobilier, la baisse de la consommation et le risque de manque de confiance envers les institutions financières. Cependant, bien que ces problèmes soient graves, ce sont les catalyseurs d'un challenge plus important qui devra peut-être être traité dans un bon nombre de pays à la fois. Alors que les flux monétaires ralentissent sérieusement, les niveaux de confiance risquent de baisser dans le monde entier, et la confiance serait trahie de manière asymétrique, c'est-à-dire qu'il faudrait beaucoup plus de temps pour restaurer la confiance. A moins d'une action gouvernementale coordonnée, cela pourrait provoquer une réaction en chaîne qui ferait disparaître rapidement des milliards de milliards de dollars investis dans des paris risqués trop couverts. Dans ce contexte de surendettement, les produits dérivés, dont font partie les CDS, représentent le plus gros problème. Warren Buffett a déclaré que la bombe nucléaire des produits dérivés était capable de détruire la totalité de l'économie et représentait une "catastrophe à laquelle il faut s'attendre". Il a également utilisé l'expression "armes de destruction massive" pour parler des produits dérivés. Si l'on compte un dollar par seconde, cela prendrait 32 millions d'années pour arriver à compter jusqu'à un quatrillion. Les nombres auxquels nous avons affaire sont tout simplement astronomiques et du domaine des supercalculateurs, nous sommes passés dans celui de l'économie mondiale. Il se dégage de cette "équation du quatrillion de dollars invisible" du marché des produits dérivés une impression de volatilité et d'absence de longévité, d'autant plus que les variables "Cygnes noirs" associées provoquent de nombreuses implosions au sein des institutions financières et de leurs contreparties ! Bien que douloureuse, la seule issue se fera par une action gouvernementale au cas par cas sur une échelle sans précédent. Garantir les économies et actifs des citoyens ordinaires doit être la principale préoccupation d'une telle politique.