Première année d’Anti-mipimisme
Il y a 12 mois, des mouvements de défense du droit au logement ont, pour la première fois, élevé leurs voix pour protester contre le MIPIM, Marché International des Professionnels de l’Immobilier à Cannes.
« 25 années de MIPIM, c’est assez ! » avons-nous statué. 6 mois plus tard, des Londoniens ont repris ce slogan et ont retardé l’ouverture du MIPIM en Angleterre.
Ensuite, des actions transnationales contre la vente la cessation du parc de logement à des fonds d’investissements internationaux se sont mises en place. Ce n’était qu’un commencement. Cette année nous laisserons les Mipimistes seuls avec leurs huitres, champagne, yachts et gardes du corps à Cannes. Ils se confinent dans leur petit monde exclusif, mais ne devraient pas se sentir longtemps à l’aise dans leurs résidences privées. Notre combat est partout, et devient de plus en plus connecté.
En France, la financiarisation des logements sociaux a fait un bon en avant. De récentes annonces du gouvernement Valls a laissé entendre que les programmes de démolitions et nettoyage social seraient maintenus. L’état et les promoteurs ne parviennent pas à répondre à la demande massive de constructions afin de reloger les personnes expulsées et ainsi diminuer les dommages collatéraux causés par la crise.
Les populations de travailleurs sont sacrifiées sur l’autel des promoteurs immobiliers et des spéculateurs. Le gouvernement justifie l’avancé de la marchandisation du logement social par la volonté d’implanter de la mixité sociale, ce qui renforce l’insécurité des plus précaires face au logement. La financiarisation du bailleur social HLM va mener les propriétaires des parcs de logements sociaux à louer leurs biens à des locataires plus aisés et ainsi expulser les plus précaires. La loi DALO, droit au logement opposable, n’est pas respectée par l’Etat, mais seulement les lois assurant la protection des propriétaires.
Londres
Londres fait actuellement face à un niveau sans précédent de financiarisation et marchandisation de son parc de logements, mais l’année dernière à déferlé vague d’occupations du Conseil Immobilier contre le nettoyage social des communautés de la classe ouvrière. Le collectif « E15 mothers » a occupé le siège de Carpenter Estate (conseil d’habitation) afin de lutter contre la velléité de la municipalité de les déplacer le plus loin possible du centre de Manchester. A Brixton, les résidents de Guiness trust (bailleur social) poursuivent leur occupation et de faire campagne.
Pendant que nous écrivons ces mots, la « Sweet Way occupation » vient de commencer. Les occupants d’Aylesbury Estate (promoteur immobilier) se sont saisi d’un troisième bâtiment et poursuivent leur campagne, menée de front avec les locataires, contre les démolitions. En parallèle sont également menées des actions contre la criminalisation du squat dans les bâtiments résidentiels.
Les résidents du New Era Estate (bailleur social privé) ont commencé à lutter contre le promoteur Westbrook Partners, qui a décidé d’augmenter les loyers et le prix de leurs biens immobiliers. Ils ont mené leur campagne localement et aux Etats-Unis, et ont finalement réussi à imposer au promoteur de se retirer. Les campagnes de locataires du parc immobilier privé se sont diffusées à travers le pays et la demande pour le contrôle des loyers s’est généralisée.
Cette année s’est déroulé le premier MIPIM UK, inauguré par le maire de Londres. Radical Housing Network a coordonné l’organisation d’une conférence alternative pour parler de l’action Anti-Mipimiste et y associer des mouvements Londoniens et Européens. Ils ont également, par l’action directe, retardé l’ouverture officielle du MIPIM. Un certain nombre de syndicats ont pris position en faveur de la campagne Anti-Mipim et de la lutte pour le droit au logement : GMB, Unite Housing Workers, Unite Community, BECTU, RMT.
En janvier dernier s’est tenu à Londres une importante Marche pour le logement au sein de laquelle se sont rassemblés des sans-abris, des squatteurs, des associations de locataires et unions de locataires privés, contre la crise du logement.
Les membres de Just Space, un réseau de mouvement activistes locaux, qui sont solidaires faces aux enjeux d’urbanistiques, à participé à tous ces évènements et continue de faire pression sur la municipalité de Londres à une échelle : métropolitaine, d’arrondissement et de quartier. Just Space va organiser cet été une conférence sur la façon dont devrait être le prochain plan d’urbanisme de Londres : un plan qui ne répond ni aux intérêts des spéculateurs, ni des investisseurs mais avant tout des citoyens !
La prééminence des intérêts financiers s’accélère, à la fois pour les personnes qui vivent dans des logements sociaux appartenant à des entités publiques (municipalités), mais également pour les personnes qui habitent dans un parc social géré par des associations de logement (à but « non lucratif », qui autrefois permettait d’assurer la production de logement très social). Bon nombre de ces résidents sont maintenant payent à présent des loyers bien plus conséquents, engendrés par la mise en œuvre de nouvelles politiques gouvernementales et par la coupe de subventions publiques. A Glasgow, les plans pour inaugurer les jeux du Commonwealth par le spectacle de l’explosion du Conseil Immobilier Red Road a été rejeté mais à cependant permis d’envoyer un fort message à travers le pays : le logement est un droit et la population doit être prête à se battre pour le faire valoir.
Irlande
En ce moment, en Irlande, les banques sont en train de préparer des dizaines de milliers d’expulsions et saisies immobilières qui devraient avoir lieu courant 2015. Les prix de l’immobiliers ayant augmenté de façon drastique, les banques voient à présent les expulsions et saisies comme un moyen de stabiliser leurs bilans et de feindre une bonne santé financière. Cette stratégie à un impact psychologique sans précédent sur les familles qui en sont victimes et représente également un coût important pour l’Etat dans la mesure où il se doit d’assurer le relogement des familles et personnes expulsées.
On peut y voir une certaine ironie car les droits des citoyens sont constamment bafoués par les banques. A travers l’Europe, ce sont ces mêmes citoyens qui ont porté le fardeau de la Troïka et des plans d’austérité. A, présents les banques trouvent de nouvelles façons de les discipliner et de les punir.
Il est temps de mettre fin à cette folie et mettre en place des systèmes de logements indépendants du marché immobilier et qui répond avant tout aux besoins des citoyens. La lutte continue pour les citoyens européens pour un accès au logement démocratique et social qui fait force de loi.
Espagne
Les fonds de financement internationaux ont récemment débarqué en Espagne afin de profiter des « bonnes affaires » qui font suite à l’éclatement de la bulle immobilière. En réalité, il s’agit de dettes causées par la flambée du chômage, les prêts hypothécaires, et risquent de mettre à la rue de nombreuses des milliers personnes.
D’après le droit Espagnol, les familles et individus peuvent perdre leur maison mais ne peuvent pas ne peuvent pas se délester de leur dette. De plus, la faillite individuelle n’est pas légalement reconnue en Espagne. Des banques, comme Caixa Cataluny (CX), ont reçu des milliards d'euros provenant de l’argent du contribuable, le tout « grâce » au plan de sauvetage mis en place dans le cadre de la Troika. Une vielle histoire que les européens connaissent bien après 6 ans de crises : privatiser les profits, socialiser les pertes.
Comme si les coupes budgétaires effectuées dans le système de protection sociale n’étaient pas suffisantes, les géants financiers internationaux ont débarqué en Espagne pour avoir leur part du gâteau. Blackstone est l’un de ces joueurs ; Il s’agit d’un des plus grands groupes privés spécialisés dans les transactions immobilières et a récemment acheté 94 000 prêts hypothécaires à la CX qui, pour cela à touché la modique somme de 12 milliards d’euros (15,4 milliards de dollards) -provenant de l’argent des contribuables - pour se renflouer.
Le MODUS OPERANDI de Blackstone est le suivant : acheter à bas prix et revendre à un prix élevé, et se manifeste en Espagne par une augmentation drastique des loyers ainsi que de nombreuses expulsions.
L’Espagne est l’un des pays européens qui à le moins de logement sociaux disponibles dans son parc de logement (moins de 2% !) et le peu qui reste est peu à peu vendu à des fonds d’investissements comme Blackstone, à travers ses filiales espagnoles. Nous ne laisserons pas nos maisons être vendues au rabais, nous ne les laisserons jouer le jeu de la spéculation avec nos logements sociaux. Nous allons nous battre !
Après les fortes mobilisations du 11 février, nous allons de nouveau avoir Blackstone dans le collimateur lors de la journée internationale d’action du 17 mars prochain. En Espagne, PAH exige que Blackstone ne puisse racheter les prêts hypothécaires de la CX, et n’expulsent aucune famille des biens immobiliers que le fond d’investissement a acheté à Madrid, et leur permette de rester en contrepartie du versement d’un loyer « social ». Chacun des pays et chacune des villes participant aux actions anti-Blackstone doivent décider de leurs propres conditions.
Rejoignez-nous dans la lutte contre Blackstone et l’ensemble des autres « fonds vautours » à travers le monde, afin de leur montrer qu’ils vont devoir nous affronter et les empêcher de spéculer sur nos logements.
Des actions à Barcelone et NYC sont déjà prévues ; Londres, Madrid et San Francisco devraient également se joindre à cette journée du 17 mars. Blackstone à des bureaux à Paris, Londres, Dublin, Düsseldorf, NYC, Boston, Chicago, Atlanta, SFO, LA, Houston, Dubaï, Mumbai, Hong Kong, Shanghai, Singapour, Tokyo, Seoul and Sidney (http://www.blackstone.com/the-firm/overview/our-offices ).
S’il n’y a pas de bureaux Blackstone dans votre ville il est fortement probable qu’ils y possède une entreprise immobilière. Sinon vous pouvez juste profiter de l’occasion pour dénoncer les fonds vautours. Nous sommes impatients d’unir nos forces avec vos organisations et de construire un mouvement international. L’image publique de l’entreprise Blackstone a déjà été fortement atteinte, mais nous allons frapper encore plus fort !
Portugal
Au Portugal, et plus spécifiquement à Lisbonne et Porto, sont apparues de nouvelles formes de pressions, qui s’expriment par des augmentations de loyers, causés par la libéralisation du marché immobilier, imposée par la Troïka. Les municipalités des périphéries urbaines procèdent actuellement à de massives expulsions et démolitions de quartiers auto-construits, dont les terrains ont été revendus à des banques et deviennent à proprement parler des « actifs financiers » nécessitant d’être débarrassés de ses occupants avant de faire son entrée sur le marché. Au regard de la situation économique des familles victimes d’expulsion, qui va de paire avec la crise de l’emploi, il apparait clairement que celles-ci ne sont pas en mesure de payer un loyer. Les menaces d’expulsion explosent et les conditions de logement se détériorent drastiquement. De plus, le phénomène de « touristification » exponentiel des villes (construction massive d’hôtels, mise en location des appartements en RBNB, accroissement des projets d’immobiliers de luxe pour les propriétaires étrangers) provoque l’expulsion des « locaux » des centres villes et des zones les plus touristiques. De plus en plus d’étrangers investissent dans l’immobilier de luxe au Portugal et bénéficient en échange d’un « Golden Visa » et d’exonérations foncières.
Allemagne
Concentration du secteur immobilier financiarisé [K1]
Alors que les Espagnols affrontent une nouvelle vague de vente de prêts hypothécaires à des fonds d’investissements privés comme Blackstone, la tendance actuelle en Allemagne est la concentration du capital immobilier entre les mains d’un nombre restreint de sociétés par actions. Comme le souligne l’association locale des locataires, ces sociétés investissent leurs capitaux privés dans l’ancien parc de logements sociaux.
Cette dynamique est encouragée par la forte demande des investisseurs institutionnels transnationaux, « performants » au regard des cours de la bourse, qui deviennent alors la principale source de capitaux des transactions d’actifs immobiliers.
Les principaux actionnaires sont : les fonds souverains, les fonds de pension et de conséquents fonds d'investissement internationaux. Le processus d’introduction en bourse de ces fonds est combiné à un processus rapide de fusions et acquisitions.
D’après les données collectées par les associations de locataires, aujourd'hui environ 1 million de logements locatifs en Allemagne sont sous le contrôle direct des investisseurs financiers, 850.000 de ces unités font partie du portefeuille de seulement neuf sociétés par actions spécialisée dans les transactions immobilières, qui détiennent un capital de plus de 60 milliards d'euros.
Le N°1, Deutsche Annington (ancien fond de placement de la société Anglaise Terrafirma Repe), après sa fusion avec l'ancien "GAGFAH" (anciennement sous le contrôle du gestionnaire de fonds américain "Fortress") sera à la tête de 350,000 unités d’habitation et deviendra ainsi la deuxième société de gestion immobilière d’Europe. Les associations de locataires s’attendent donc la croissance de l’influence politique du groupe.
A partir de 2007, les sociétés immobilières ont commencé à investir de l'argent pas cher et des subventions publiques dans un processus de modernisation du parc immobilier, qui, selon le droit allemand, justifie l’augmentation drastique des loyers en vigueur.
Les associations de locataires ont signalé que les quartiers sud les plus attractifs de Dortmund étaient sujets à un fort processus de gentrification. Annigton propose des alternatives de relogement aux familles expulsées dans les quartiers populaires du nord de la ville. Cette méthode de ségrégation sociale est une conséquence typique de la stratégie de portefeuille qui met en place différentes logiques économiques de gestion du parc habitationnel : certains logements sont surclassés, d’autres cédés.
Les associations de locataires pensent que le secteur du logement financiarisé va continuer à défier les intérêts des locataires et leurs organisations pendant une longue période. Une réponse éventuelle serait de créer une société axée sur l’organisation de locataires des grands propriétaires. L'Union des Locataires Allemands DMB a commencé à se pencher d’avantage sur le cas Annington tout comme le syndicat Verdi, qui cherche de nouvelles méthodes pour organiser les employés de ces grands propriétaires, dont les contrats ne respectent par les conventions collectives du marché immobilier [K3]. L'année dernière, un groupe de locataires et militants ont protesté devant l'assemblée des actionnaires de l'ancienne propriété de l'État LEG NRW, qui détient près de 100.000 unités de logement et qui cherche à augmenter les loyers au-delà des limites légales. Les militants qui possédaient quelques actions ont également parlé devant l'assemblée, soulignant que la valeur du marché qui apparait dans les rapports financiers sont fondées sur les attentes fictives d’augmentations de loyer et est donc lui-même fictif. Cette vigilance critique des actionnaires sera poursuivie cette année.
La question des droits collectifs juridiques des locataires devient de plus en plus importante, par exemple en ce qui concerne le calcul des loyers imposés par les propriétaires. Les organisations locales dénoncent les propriétaires dont les services auparavant externalisées, tentent actuellement d’avoir d’avantage de contrôle sur l’ensemble de la chaîne de production. Dans le cas de grands propriétaires, l’augmentation des loyers de quelques euros par appartement peut devenir une importante source de revenus l’entreprise.
"Le marché actuel ne peut pas durer éternellement. Tôt ou tard, la bulle va éclater ", dit un organisateur local. "C’est également pour cette raison que l'Allemagne a besoin d'un nouveau cadre juridique pour encadrer la production de logements sans but lucratif comme principale alternative au marché financier". Mais jusque-là les grands propriétaires terriens favorisent le développement d’un nouveau syndicalisme pour les travailleurs et locataires.
[K1] Ce n’est qu’un des aspects parmi tant d’autres. Il y aurait beaucoup plus à dire sur la crise du logement, le contrôle des loyers, la gentrification, etc.
[K2] C’est «stigmatisant» d’appeler ces grandes parties des territoires de la Ruhr "stigmatisés". Ils ne sont pas stigmatisés, car il ne s’agit pas d’une minorité, ils sont juste plus pauvre que le sud.
[K3] L'aspect important dans le contexte syndical est le contournement de la convention collective.
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