Pasay City, Manille: le Djihad à nos portes ?
Des équipes de démolition et des Musulmans qui s’affrontent à coups de jets de pierres. Des tirs de la police de Pasay. Voilà le visage qu’offrait hier Pasay City l’un des quartiers de Manille alors que se déroulait la démolition des baraquements entourant la mosquée.
Des jets de pierre entre équipes de démolition et des Musulmans, des coups de feu tirés par la police de Pasay City, Des enfants, des femmes, des personnes âgées qui s’enfuient faute d’abri où se réfugier. Voilà les scènes que l’on pouvait observer hier le long du Roxas Boulevard, autour de la Grande Mosquée Rajah Sulayman Lumba Ranao, à Pasay City, alors que se déroulait la campagne de démolition des baraquements entourant la mosquée.
Adbelaman Tanandato, président de la Samahanng Nagkakaisang Nademolis sa Roxas Boulevard, avait les larmes aux yeux en découvrant la mort de trois personnes de son équipe, parmi lesquelles un jeune garçon. Il avait retrouvé tous ses esprits lorsqu’il a déclaré:: “Nous ne devons pas nous en faire. Ces hommes sont tombés pour le Djihad, en défendant la sainte mosquée ; ils sont déjà aux côtés d’Allah au Paradis.”
Selon la Task Force Anti-Eviction (TFAE), qui se compose de diverses organisations populaires et d’ONG telles que l’Urban Poor Associates (UPA), la Community Organizers Multiversity (COM) et la Community Organization of the Philippine Enterprise Foundation (COPE), le gouvernement avait été prévenu que le sang coulerait sur ce territoire convoité, si la démolition devait se poursuivre. Mais les autorités ont fait la sourde oreille.
Les expulsions forcées s’étant soldées par des morts, la TFAE se demande : “que va-t-il arriver à nos frères et soeurs musulmans ?” Elle s’interroge également sur le traitement réservé aux officiers de police impliqués : vont-ils devoir répondre de leurs actes ? Le groupe déplore le climat de trop grande violence dans lequel les expulsions se déroulent à Manille.
Tanandato et l’ensemble de la communauté musulmane entendent porter plainte contre la police de Pasay. Ils vont également contester l’ordre d’évacuation rendu le 11 août 2009 par la chambre 274 de la Cour Régionale de Justice (RTC). Cette décision ne peut selon eux légitimer les expulsions. En effet, cette injonction n’ayant pas été appliquée au mois d’août, un nouveau préavis de trente jours est nécessaire.
Tanandato ajoute : “Nous avons simplement été informés par des amis que nous devions nous préparer, car la démolition pouvait intervenir d’un jour à l’autre ce mois-ci. Nos seules armes contre les huit cents hommes de l’équipe de démolition, ce sont des cailloux et des lance-pierres. Nous avons dressé des barricades autour de la mosquée, mais nous avons du reculer sous les coups de feu tirés par la police.”
Amir Saripada, l’un de ceux qui ont affronté la police, prévient : “Kami ay isa sa mga milyon-milyong Pilipino pero hindi nila kami tinatrato ng tama. Iniisip ko na nga lang bumalik sa Mindanao para maging sakit na ng lipunan.” (On ne nous traite pas correctement alors que nous faisons partie du million de Philippins. Je songe à rentrer à Mindanao et à devenir un ennemi de la société.)
Les responsables publics présents hier ont assuré que la mosquée ne serait pas démolie tant qu’un nouveau lieu de culte n’aurait pas vu le jour sur le terrain de 500 mètres carrés prévu à cet effet à Parañaque. Leurs paroles font écho au mémorandum envoyé le 26 mai dernier par le Secrétaire Eduardo Ermita à Andrea Domingo, Responsable de l’Autorité philippine de récuperation , à Leandro Mendoza, Secrétaire aux Transports, ainsi qu’à Ali Sangki, Directeur Exécutif du Bureau des Affaire musulmanes. Ce document les informait alors de la décision présidentielle de déplacer l’ensemble de la mosquée et de la rebâtir sur un site proche de Coastal Road. Il précisait en outre que les terres recuperées sur lesquelles est érigée la mosquée actuelle étaient destinées, une fois libérées, à une ligne de transport en commun, le Southwest Public Transport Intermodal Center (Metrotrans).
Les recherches menées par l’UPA ont montré que la parcelle n° 5155 de Parañaque, où devrait être construite la nouvelle mosquée, fait déjà l’objet d’une promesse de vente signée par un particulier du nom de Bernardo De Leon. L’affaire est toujours en attente de jugement à la Cour Suprême.
Ted Añana, coordinateur suppléant de l’UPA, explique, “C’est la troisième fois que des expulsions violentes se déroulent sur ces terres gagnées sur la mer. Pourtant le gouvernement n’a toujours proposé aucun site acceptable pour reloger les résidents et le nouvel emplacement prévu pour la mosquée est assez discutable.”
“On ne peut pas reprocher aux Musulmans de se battre - ajoute Añana - Pour eux, cet endroit est sacré et défendre la mosquée jusqu’à leur dernier souffle est ce qu’il y a de plus important aux yeux d’Allah. Nous demandons une nouvelle fois au gouvernement de laisser la mosquée en place et d’en faire un symbole de compréhension entre Musulmans et Chrétiens.”