La Journée du Peuple Tzigane: faire tomber les barrières du racisme
Par Grattan Puxon
De tous les évènements qui ont eu lieu cette année et qui ont marqué la Journée du Peuple Tzigane
en Grande-Bretagne (et il s’agissait jusqu’à présent du plus grand rassemblement), celui qui m’a le plus ému fût la présence de l’acteur Michael Collins, venu de Dublin pour assister au Festival des Roues Rouges, et qui a creusé une barrière de terre à Five Acre Farm.
Avec une trentaine d’autres personnes dont Mick Rafferty, conseiller de la Dublin Corporation, il s’est révolté contre le Conseil de Basildon (ou plutôt devrais-je dire sa faction de tory dirigeante), qui est tellement déterminé à un nettoyage ethnique, qu’il en a occulté certains aspects juridiques.
Que penser du fait que les propriétaires n’ont plus le droit ni le pouvoir d’accéder à leur propre habitation? Les titres des journaux locaux disaient Ne Revenez Pas
. Mais samedi nous étions de retour et cassions, du moins au sens figuré, les barrières des préjugés et d’un racisme extrémiste.
Le même après-midi, Collins fût véritablement captivant lorsqu’il présenta dans la ville voisine, Laindon, sa pièce Traveller In Progress
(Voyageur En Mouvement) dans laquelle il tient l’unique rôle. Cette production au style agit-prop qui couvre 40 ans de vie, d’amour et de combats pour la liberté, fit l’ouverture de la soirée au Théâtre Brentwood. Elle fût suivie par l’Ensemble Romani Rad
, et nul doute que cette production a attiré de plus en plus de monde.
Ils se sont inscrits en masse à Laindon, malgré, ou peut-être à cause de la présence de la police anti-émeutes à l’extérieur de la salle. Cela faisait penser que nous étions à Birmingham en Alabama dans les années 60 plutôt qu’ici, à Basildon dans l‘Essex, de nos jours.
Le représentant de l’Ambassade Irlandaise, Alma Ni Choiglich, nous a rassuré en affirmant que l’Ambassadeur O Ceallaigh s’était informé récemment sur la situation des gens du voyage et de ce qui leur arrivait dans l’Essex profond.
La citation qui selon moi représenterait le mieux cette semaine riche en évènements serait celle de Père John Glynn, qui est prêt à perdre beaucoup de ses paroissiens. Le 8 avril, dans un article intitulé Le Siège de Dale Farm
publié par le très influent journal l’ Economist
, il annonça : « je serai là sur place si ils expulsent les gens du voyage. Et les gens liront sur ma pancarte C’est ça le nettoyage ethnique
».
Père Glynn en a également profité pour montrer au président du Conseil, Malcolm Buckley, une pétition internationale soutenue par International Alliance of Inhabitants
et demandant à la ville de Basildon le retrait de son projet de 5 millions d’euros et dont le seul but est de détruire les quelques 120 maisons de Dale Farm et Five Acre Farm.
La fête continua pendant la nuit du 8 avril à Dale Farm, réunissant les Gens du Voyage, les Tziganes et un jeune groupe Pakistanais représentant la toute nouvelle Équipe Punjabie de Surveillance des Droits de l’Homme
. Tout comme plusieurs autres groupes tels que le Parti pour la Paix et le Progrès créé par Corin Redgrave, ils se tiennent prêts à rester ici, quand bien même les bulldozers arriveraient.
Le Festival des Roues Rouges a été largement sponsorisé par l’Aide Humanitaire aux Gens du Voyage
. Quant à la soirée qui a eu lieu après le spectacle, elle a été sponsorisée par PakiTV
et Vereendra Rishi (représentante de Kingfisher Beer
). C’est d’ailleurs sont père, le Docteur W. R. Rishi, diplomate indien, qui proposa durant le premier Congrès Tzigane de 1971 que notre drapeau devait être frappé de la roue rouge aussi appelée Ashor Chakra, semblable à celle du drapeau Indien.
Radio Rokker
C’est grâce à cet ancien lien avec l’Inde, merveilleusement symbolisé par l’implication des Punjabis dans la Journée du Peuple Tzigane, que le journaliste Jake Bowers, tzigane, insista sur le programme de lancement hier à Luton de la première station radio de la BBC concernant tout particulièrement la communauté tzigane, Rokker Radio
(info: 01582441111).
Après l’hymne national Gelem Gelem
, Bowers raconta la longue migration des tziganes partis d’Inde, et leur manque d’acceptation en tant que forte minorité, aujourd’hui environ 350 000 personnes, en Grande-Bretagne. Après les deux heures de programme initiales, les appels fusaient de toutes parts, ce qui montre que ce programme unique en son genre va devenir un rendez-vous fixe.
D’une manière importante, un autre rendez-vous à long terme a été fixé à la veille de la Journée du Peuple Tzigane, lorsque le président du Forum Britannique Cliff Codona, mena une délégation auprès du bureau du Premier Ministre adjoint. Les représentants de Tsiganes Européens et du Forum des Gens du Voyages, Kay Beard, et la porte-parole de Dale Farm Kathleem McCarthy ainsi que Nora Egan, étaient présents.
Codona s’adressa ensuite au public venu assister au festival en leur disant que c’était la première fois que les questions d’expulsions et de destructions de biens privés par des compagnies spécialisées telles que Constant & Co. était à l’ordre du jour.
« Auparavant il y a eu bien des pseudos experts, bénévoles et professionnels, qui ont tergiversé, dit-il sous les applaudissements. Maintenant nous nous représentons nous-mêmes, et je crois que nous sommes sur la bonne voie ».
Il a ajouté que l’ODPM (le Bureau du Premier Ministre Adjoint Britannique) avait montré une certaine volonté à considérer sous un nouvel angle les actions menées par les Conseils en ce qui concerne les expulsions. Les élus ont demandé à l’assemblée de présenter les preuves de ce qui se passait, et tout particulièrement concernant le respect des normes sanitaires et de sécurité lors de l’utilisation de machineries lourdes.
L’assemblée est déjà en possession d’un grand nombre de cassettes vidéos qui montrent la négligence et l’indifférence avec lesquelles ont été traitées durant ces dernières années les personnes ainsi que leurs habitations lors d’expulsions. Ces expulsions ont par ailleurs privé des centaines de personnes de leurs domiciles. Certaines cassettes ont été envoyées à Bruxelles et à Strasbourg, et d’autres à de grandes ONG à Genève, Vienne et Washington.
« J’éspère vraiment qu’ils écouteront cette fois, dit Kathleen McCarthy, administratrice bénévole d‘une école. Nos enfants ne risquent pas seulement de ne plus avoir accès à l‘éducation, mais également d’être traumatisés à vie à cause de la terreur engendrée par la police anti-émeutes et par les bulldozers. »
Basildon considère l’évacuation des terrains à Five Acres comme prélude à un assaut à Dale Farm. Cette semaine (le 12 avril), le résultat de l’examen de la constitutionnalité de la loi de Five Acres va être rendu publique. Pour ceux dont la maison est en jeu, cette nouvelle peut difficilement être moins effrayante que le jour du jugement dernier lui-même.