Home » Nouvelles » Habitants d'Europe » Russie: Appel à la solidarité avec les « Floués des pyramides immobilières » en grève de la faim

Mostra/Nascondi il menu

Russie: Appel à la solidarité avec les « Floués des pyramides immobilières » en grève de la faim

200.000 personnes victimes d’opérateurs immobiliers véreux

Le 17 avril a débuté une grève de la faim des dits « floués des pyramides immobiliètes » à Moscou.

19 personnes participent à l’action, en provenance de Moscou, de la banlieue, de Voronej et de Smolensk. La veille, la grève de la faim avait commencé à Novosibirsk, avec la participation de 5 personnes. Le lendemain, 18 avril, c’était au tour de la ville d’Oulianovsk, où 10 victimes des machinations immobilières se sont mis en grève de la faim, dont deux femmes avec leurs enfants.

Ce sont des gens poussés à bout, qui ont perdu logement et économies à la suite d’une immense arnaque politico-immobilière. Ils sont environ 200 mille personnes dans toutes les régions de Russie à avoir été victimes d’opérateurs immobiliers véreux soutenus par les pouvoirs locaux. Soit presque autant de personnes à être dans la rue ou à résider dans des habitations de fortune.

La crise du logement s’aggravant dans les années 90 et le coût d’achat d’un logement allant croissant, la majorité de la population étant privée de l’accès à un logement digne, des dizaines de milliers de personnes se sont tournées vers les opérations de construction de logement par co-investissements (ou cotisations). Il s’agit de fonds d’investissement créés par les sociétés immobilières et constitués par les apports financiers de petits épargnants investissant dans la construction d’immeubles avec promesse d’y obtenir un appartement une fois l’immeuble mis en exploitation. Dans presque la totalité des cas, le pouvoir local s’est porté garant de la probité de ces sociétés immobilières et a même été partie prenante des contrats d’investissement.

A partir du début des années 2000, ces sociétés immobilières ont fait faillite les unes après les autres, et la construction de la grande majorité des immeubles n’a pas été achevée, laissant les « co-investisseurs » dans la plus totale détresse. La grande majorité d’entre eux sont des petits épargnants ayant versé toutes leurs économies, voire vendu l’appartement délabré ou trop petit où les familles s’entassaient jusque là. Résultat : ils n’ont plus ni épargne, ni logement. Beaucoup vivent chez des amis de la famille, ou essaient tant bien que mal de louer un appartement (à des prix du marché galopant).

Naissance et protestations du mouvement des « des co-investisseurs trompés »

La détresse est terrible, se multiplient les cas de suicides ou de maladies dues au stress et à l’angoisse. Il y a même des cas de tentatives d’immolations.

Le scandale, baptisé depuis « des co-investisseurs trompés » a éclaté l’été 2005, alors que la masse des victimes devenait critique. Les victimes se regroupant et s’organisant peu à peu, un mouvement a été mis en place. L’une des premières actions publiques de protestation a été le blocage d’un grand axe routier de Moscou, la Prospekt Riazanskaïa, en décembre 2005. Cette action a eu une énorme résonance médiatique, et le mouvement des « co-investisseurs trompés » est né.

Les médias « sous contrôle » rejettent la responsabilité du scandale sur les « co-investisseurs » eux-mêmes, qui « n’avaient qu’à être moins naïfs ». Les médias plus indépendants, et le mouvement lui-même parlent d’une vaste escroquerie politico-immobilière, puisque les pouvoirs locaux se sont fait caution des sociétés immobilières en question. L’affaire est largement médiatisée, le mouvement n'hésitant pas à entreprendre des actions radicales (blocage des rues, grèves de la faim, squat de locaux administratifs ou d'immeubles non terminés, camps de tente, etc.).

Les actions les plus marquantes ont été le camp de tentes de mai 2006, quand plusieurs centaines de militants ont installé leurs tentes devant la Maison blanche (siège du gouvernement fédéral à Moscou). Ils ont tenus la place moins de 24 heures, avant d’être brutalement délogés par les forces de l’ordre. Peu de temps après, en octobre 2006, a été organisée une grève de la faim au centre de Moscou, dans l’un des immeubles laissés en chantier. Une quarantaine de personnes a participé à la grève de la faim pendant 11 jours, alors que des meetings et manifestations spontanées de soutien se déroulaient chaque jour aux abords du bâtiment. A l’issue de cette action le mouvement a enfin obtenu reconnaissance de sa responsabilité politique par l’Etat, exprimée par une déclaration officielle de Vladimir Poutine. Ont été également formées plusieurs commissions – à la Douma d’Etat et à la Chambre civique.

Aujourd’hui, en avril 2007, il apparaît clairement aux « co-investisseurs » que les promesses faites par les responsables politiques n’ont pas été tenues, et qu’aucune mesure réelle n’a été prise pour régler cette affaire. C’est ce qui a provoqué la décision de relancer les actions de protestation.

Les grevistes de la faim « nous n’avons plus rien à perdre, ayant déjà tout perdu »

Le 17 avril, à Moscou, a démarré une seconde grève de la faim, dite « estafette », à laquelle sont prêts à participer une cinquantaine de personnes. Prennent le relais, l’une après l’autre, les autres régions touchées.

Ils se battent pour obtenir le règlement de leur situation au niveau fédéral par la création d’un état-major exceptionnel avec représentation de toutes les parties impliquées (pouvoir fédéral, pouvoirs locaux, sociétés immobilières, « co-investisseurs trompés ») et plein pouvoirs pour l'adoption de mesures d’urgence. Ils exigent du Président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine qu’il assume ses responsabilités et prenne personnellement le contrôle de la résolution du conflit. Ils revendiquent soit une indemnisation, soit la poursuite de la construction des bâtiments. Ils exigent la condamnation des responsables de cette vaste escroquerie, sociétés immobilières et pouvoirs locaux. Ils exigent la reconnaissance du statut de victimes des opérations politico-immobilières frauduleuses pour tous les « co-investisseurs trompés », quelle que soit leur situation particulière.

Les participants sont fermement décidés à aller jusqu’au bout puisque, comme ils disent eux-mêmes, « nous n’avons plus rien à perdre, ayant déjà tout perdu ». « Si nous mourons, Poutine et les autres complices de cette affaire auront notre mort sur la conscience ! », préviennent-ils, lors d’une conférence de presse du 18 avril.

La solidarité internationale avec les demandes des co-investisseurs trompés

La solidarité s’organise peu à peu, des manifestations de soutien étant en préparation dans plusieurs villes. L’affaire a même été portée devant la commission « Habitat » de l’ONU par l’Advisory Group on Forced Evictions (AGFE) lors d’une conférence de presse qui s’est tenue le 17 avril à Nairobi. Cesare Ottolini, coordinateur de l’Alliance Internationale des Habitants et membre de l’AGFE tente d’obtenir l'effectuation d'une mission de l’UN « Habitat » dans la Fédération de Russie afin de vérifier le respect du droit au logement inscrit dans l'article 11 du Pacte International des Droits Economiques, Sociaux et Culturels, dont la Russie est signataire. Dans une lettre ouverte aux grévistes de la faim, Cesare Ottolini déclare entre autre: “Nous ajoutons donc notre voix à la vôtre pour exiger au Gouvernement fédéral de Russie d'assumer la responsabilité d'écouter ce cri de douleur et de prendre les mesures immédiates proposées afin de restaurer le respect du droit au logement dans votre pays”.