Droit au logement: décision phare du Conseil de l’Europe
Le Comité européen des Droits sociaux (CEDS), l’organe du Conseil de l’Europe chargé de veiller au respect des engagements énoncés dans la Charte sociale européenne, a conclu dans une décision rendue publique aujourd’hui à la violation de la Charte par la France en ce qui concerne le droit au logement. Pour le Conseil de l'Europe, le plein exercice des droits est l'instrument d'évaluation de l'action publique ; il définit des normes de qualité des politiques publiques. Cette décision fournit une jurisprudence utile aux tribunaux locaux, aux autres pays et à l'échelle internationale. Elle constitue un pas vers une Europe plus sociale.
Fédération Européenne des Associations Nationales Travaillant avec les Sans-Abri
Communiqué de presse – 5 juin 2008
Le CEDS a statué que la France n’était pas en conformité avec l’Article 31 sur six points, y compris l'application non satisfaisante ou le progrès insuffisant quant à la mise en oeuvre de mesures existantes concernant: l’habitat indigne ; la prévention des exclusions ; la réduction du nombre de personnes sans-abri ; l'offre de logements sociaux accessibles aux populations modestes ; le système d’attribution des logements sociaux ; et la discrimination à l’encontre des Gens du voyage.
En particulier, le CEDS a estimé qu’il y avait « insuffisance des mesures qui sont actuellement en place pour réduire le nombre de sans-abri, d'un point de vue tant qualitatif que quantitatif ».
La FEANTSA a lancé une réclamation collective en novembre 2006 dont l’argument principal était que malgré l’adoption de lois et de politiques ambitieuses en la matière, la France n’assure pas la mise en œuvre effective du droit au logement pour tous, et en particulier pour les personnes les plus vulnérables. Bien que le droit au logement soit consacré par des instruments internationaux largement ratifiés, ainsi que par les législations nationales de différents Etats européens, sa mise en œuvre concrète demeure insatisfaisante dans de nombreux pays.
La FEANTSA souligne que la décision du CEDS est importante parce qu’elle aborde et clarifie une série d’éléments fondamentaux concernant les obligations des Etats en termes de promotion et de mise en œuvre du droit au logement. Cette décision contribue à l’élaboration de normes internationales dans ce domaine.
La FEANTSA reconnaît que depuis novembre 2006 la France a adopté différentes initiatives encourageantes, dont la Loi sur le droit au logement opposable (DALO). Toutefois, des progrès sont nécessaires pour que le droit au logement soit mis en œuvre de manière efficace et garanti pour chacun.
Freek Spinnewijn, Directeur de la FEANTSA indique “ La FEANTSA salue cette décision phare, dont elle compte se servir pour encourager d’autres Etats européens à garantir le droit au logement pour chacun. Les politiques devraient s’adresser en premier lieu aux personnes les plus vulnérables”.
1 Note à l’intention des éditeurs :
La FEANTSA est la Fédération Européenne des Associations Nationales Travaillant avec les Sans-Abri.
Fondée en 1989, elle représente aujourd’hui plus de 100 organisations travaillant avec les personnes sans domicile dans quelques 30 pays européens qui fournissent une large gamme des services, y compris relatifs au logement, la santé et l’aide à l’emploi. De plus amples informations sont disponibles sur www.feantsa.org .
La FEANTSA et ses membres pensent que cette décision est susceptible de favoriser une compréhension partagée du droit au logement ainsi qu’une mise en oeuvre des droits y relatifs par les Etats européens. Les conclusions du CESR doivent permettre d’enclencher un processus de changement non seulement en France, mais en Europe.
Eléments de Référence
Système de réclamations collectives: afin d’améliorer l’application effective des droits sociaux garantis par la Charte (STE n. 158 et Charte sociale européenne révisée n. 163), un Protocole additionnel prévoyant un mécanisme de réclamations collectives a été ratifié (STE n. 158 de 1995).
Il prévoit la participation d’acteurs non étatiques, y compris d’organisations internationales non gouvernementales. La particularité de ce système est qu’il permet non seulement la remise en question d’une loi, mais également la mise en cause de la totalité des politiques gouvernementales dans un domaine particulier. Ce mécanisme est applicable lorsqu’un Etat a ratifié tant les articles de la Charte concernés que le protocole sur les réclamations collectives (renseignements relatifs aux ratifications et aux dispositions acceptées disponibles sur le site du Conseil de l’Europe).
Procédure: lorsqu’une réclamation collective a été déposée par une organisation qui y est habilitée, elle est examinée par le Comité européen des Droits sociaux (CEDS), qui déclare la réclamation recevable lorsque les exigences de forme sont respectées. Le Comité a pour mission de juger la conformité du droit et de la pratique des Etats parties à la Charte sociale européenne à travers les rapports nationaux et le système de réclamations collectives. Il s’exprime ensuite sur le bien-fondé de la réclamation et transmet sa décision aux parties concernées et au Comité des Ministres dans un rapport, lequel sera rendu public au plus tard quatre mois après sa transmission.
Sur la base du rapport du Comité européen des Droits sociaux, le Comité des Ministres adopte une résolution.
FEANTSA c. France: L’accès à un logement décent est une condition préliminaire à l’exercice d’autres droits fondamentaux et à la participation individuelle au sein de la société. Alors que l’accès au logement devient de plus en plus problématique pour un nombre croissant de ménages et que le débat sur le droit opposable au logement est d’actualité dans plusieurs pays européens, la FEANTSA a estimé que le moment était venu de renforcer et de compléter son plaidoyer en faveur du droit au logement en activant le mécanisme de réclamations collectives, en jouant ainsi un rôle plus actif dans l’évolution de la jurisprudence (et des normes) internationale dans ce domaine.
Arguments principaux: au cours des trente dernières années, la qualité et la situation en termes de logement de la majorité de la population se sont améliorées en France, pays qui a également adopté un certain nombre de lois et de politiques ambitieuses dans ce domaine. Selon la FEANTSA cependant, la réalité démontre que malgré ces mesures, la France n’assure pas la mise en œuvre effective du droit au logement pour tous, et en particulier pour les personnes les plus vulnérables.
La réclamation de la FEANTSA analyse dans le détail l’état des lieux en France en termes d’obligations internationales, de législation interne, de politiques publiques existantes, ainsi que des statistiques provenant de sources tant officielles qu’indépendantes. La FEANTSA a choisi d’adopter une stratégie transversale concernant autant des points très particuliers que les grandes orientations (voir tous les documents relatifs à la réclamation collective).
Pour un aperçu des éléments principaux de cette décision veuillez lire la note de la FEANTSA à ce sujet, disponible dans la section de notre site consacrée à la réclamation collective 39/2006.
Le Rapport au Comité des Ministres est également disponible sur le site Internet du Conseil de l’Europe.